Duel Au Clair De Lune(2nde partie)

Publié le par Alex

"Que me vaut l'honneur d'être attendu par un si preux chevalier, en cette exquise nuit?" s'exclama-t-il non sans une pointe d'ironie. Le garçon trembla de plus belle. Comment pourrait-il combattre le Heraut obscur, lui qui n'a jamais battu ne serait-ce qu'un chefde bataillon ennemi? Mais jamais ne lui viendrait la pensée de douter de son maître. Il l'a formé et élevé, et demeure le seul homme en qui il puisse croire aveuglément. Sa détermination est son arme la plus tranchante. Il ne faiblirait jamais et seule la mort le détournerait de son chemin.

"Ô toi, Seigneur Noir, je te sommes de te rendre à Banos, si ta vie, tu ne veux pas te voir ôter par le fer et le sang. Regardes tes compagnons et vois quel sort te reserve ma lame, devrais-tu refuser ta rédition!"
Amusé, le lieutenant d'Argrath répondit : "Quelle fine lame en effet! Pourquoi ne la mettrais-tu pas au service de mon Seigneur et Maître, elle serait bien plus utile qu'aux ordres d'une armée en perdition. Un mort, même puissant, reste un mort. Choisis le bon camp, jeune homme, car la vie ne t'es pas offerte deux fois." Son regard se fit tranchant, ses traits se transformèrent pour devenir aussi durs que peuvent l'être les traits d'un être depuis trop longtemps au service du Mal et dont l'on aurait mesestimé la force.
 De son fourreau il sorti une arme d'une rare beauté, que l'on aurait dit sculptée par Galk lui-même tant sa courbe ne semblait pas provenir de ce monde. La sortie du fourreau émis un son d'un aigü que seules les cris des Harpies des temps anciens pouvaient émuler.
 Aucun sentiment ne peut décrire ce que le jeune homme a ressenti à ce moment précis. La mort eut été plus douce. Jayis le sombre pris une posture plus basse qu'aucun maître d'escrime n'avait jamais enseigné à l'apprenti, qui lui se prépara à livrer le combat de sa vie. Ou de sa mort.

Et la dance des armes commença. La douce lumière de la lune illuminait ce combat irréel entre le Bien et le Mal sur le toit de la Connaissance. Des éclairs tournoyaient autour des duellistes tout comme dans leurs coeurs épris de batailles héroïques.
 Ils se ressemblaient, ne vivaient que pour servir leur maître et lui vouaientt un culte presque religieux, si bien que leurs pensées toutes entières étaient à ce moment précis vers le fourreau dont ils formaient la mortelle lame. Longtemps les armes s'entrechoquèrent, émettant le bruit et dégageant l'odeur d'un marteau travaillant le fer fraichement coulé. Les ombres flottaient autour d'eux, comme repoussées par cette incroyable émanation de bravoure et de complicité haineuse. Si bien que les deux êtres ne faisaient qu'un. Qu'un avec leur lame, qu'un avec leur âme. Le temps s'était arrêté pour laisser place à la confrontation sans merci et sans pitié de deux entités à la fois si similaires et pourtant si antagonistes. Et les minutes passèrent sans qu'un coup clair pusse être porté sur les corps de chair de ces pantins d'acier. On aurait dit deux outils faits dans des matériaux différents mais animés du même but. Le Duel Au Clair De Lune, qui sera si souvent chanté par les Bardes de toutes époques et de tous lieux venait de débuter. Et cette histoire ici contée ne rendra jamais justice à la férocité et à la vaillance avec lesquelles
 les frères ennemis se déchirèrent cette nuit là.

L'expérience que possédait Jayis le sombre faillit à de nombreuses reprises renverser le cours du combat, mais le jeune paladin tint bon, principalement grâce à l'infaillible confiance en sa foi et en sa lame qui le possédaient. Arriva un instant, imperceptible pour l'oeil humain, ou les combattants arrivèrent à un seuil critique de fatigue et de désespoir qui les firent prendre des risques qu'ils n'auraient pas conçus dans d'autres situations que celle-ci. Mais si ils voulaient vaincre leur Nemesis, il fallait sans doute en passer par là. Porter un coup si vif et si puissant que l'adversaire ne pourrait pas être en mesure de riposter. Ils devaient abréger ce combat à tout prix, sous peine de mourir tous deux épuisés par la joute de deux hommes à la résolution et au talent égal.
 D'un implicite accord, ils le savaient, leur adversaire aller porter son coup le plus puissant, sa botte secrète longuement cachée dans le seul but de tuer. Jamais seconde n'a paru si interminable à un quelconque être vivant qu'à cet instant. Le coup était préparé tel l'arc tendu du plus précis des Elites Noirs, et rien, pas même la fin du monde, ne pourrait les empêcher de conclure leur confrontation de Légende sur cet ultime assaut. Leurs regards se croisèrent, de feu et d'acier. Jamais la flamme qui brûlait dans leurs entrailles ne s'éteindrait vraiment. Ils avaient vécu pour ce jour, pour cet affrontement. Plus rien n'aurait la même saveur qu'en cette nuit de pleine lune d'automne. Jamais ils ne retrouveraient cette parfaite union qu'ils avaient fugitivement vécu. Leur Destin était tracé. La Mort, la Gloire. Implacable.

"Je maudis ta descendance jusqu'à la fin des temps, et jamais un homme ne souffrira autant que toi, paladin, dans ta vie de misère.Et des mains d'Argrath tu mourras pourfendu par Glartig, son épée de peine et de haine." dit le Seigneur de la nuit, dans un dernier râle alors que la Faucheuse dans sa soutane pourpre l'emportait vers les tourments de l'Enfer. Son rictus était mauvais, ses yeux fendus d'une hargne farouche, la lame du jeune homme encore empalée dans son torse sanguinolent. Plus un duel est équilibré entre deux bretteurs d'une trempe telle que celle du Héraut du Mal et du Paladin Blanc, plus son issue est sanglante et barbare. L'ultime attaque du sombre avait déchiré le torse du jeune héros qui maintenant se tenait par terre à cracher ce sang bleu de noble famille que de nombreux chevaliers lui enviaient, tandis que son ennemi, déjà, était emporté par un voile funeste. D'un geste -de bravoure autant que de défi- il se remis sur ses pieds et contempla le corps de l'homme auquel il avait enlevé la vie. "Je m'appelle Camis. Que les armées de ton maître retiennent mon nom car un jour, je les chasserai de nos terres et alors, la défaite d'Argrath sera complète." Et sa vision déclina brusquement jusqu'à ce que son corps touche lourdement le sol dans le sang mélé des adversaires maudits, qui, sur le toit du Palais d'Ivoire, avaient livré bataille.


 Le Héros Blanc, ou Paladin Blanc comme on l'appelle maintenant, reposa longtemps sur le sol, mais la vie ne l'abandonna pas. Son Destin était bien trop riche, et surtout n'avait pas -et loin de là- été accompli. L'Armure du Libérateur avait volé durant la bataille et se trouvait désormais par terre, atenante à l'arme qui avait servi à la trancher et que l'on appelle communément cimeterre, de nos jours. Vous vous demandez certainement pourquoi j'appelle l'armure du jeune apprenti l'"Armure du Libérateur"? Prenez votre mal en patience chers Seigneurs, car là n'est point le dénouement de notre histoire... L'histoire de Camis.

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