Princesse Mononoke

Publié le par Alex

Cet article pourrait être intitulé : "témoignage d'un modeste fan envers un grand homme". Ce génie de l'animation, récompensé par l'ours d'or à Berlin, l'Oscar du meilleur film d'animation et plusieurs Japan Academy Awards, c'est bien entendu Hayao Miyazaki. Et je vous présente ici son plus grand chef d'oeuvre.

 

The Journey To The West

 

1997, cinq ans après le très personnel Porco Rosso, après avoir scénarisé "Mimi O Sumaseba" de Yoshifumi Kondo(l'un de ses amis et directeur de l'animation sur Mononoke) et avoir crée le clip de 6 minutes "On Your Mark" pour le groupe pop Chage And Aska, Miyazaki alors au sommet de sa carrière, se lance dans un projet fou, l'une des plus grandes super productions du cinéma Asiatique : Mononoke Hime.

Sa sortie à l'été 1997 provoque un raz-de-marée sans précèdent au Japon, et pulvérise tous les records d'entrée, il détrône ainsi E.T. sorti 15 ans plus tôt, avec plus de 16 millions de spectateurs. A sa sortie Américaine 3 ans plus tard, un critique du Boston Globe l'assimile à "un authentique chef d'oeuvre. Dans ce film, Tolkien rencontre Kurosawa."

 

The Legend Of Ashitaka

 

Nord-Est de Honshu, durant l'ère Muromachi

Ashitaka, jeune prince de la tribu des Emishi, considérés comme des barbares par le reste du monde civilisé Japonais, est promis au trône de son village. Alors qu'il parcourt la foret, il rencontre un Dieu sanglier en furie, Nago, devenu maléfique par la faute des hommes, et qui tente de détruire son village. Le noble prince le tue, mais est empoisonné par la substance belliqueuse recouvrant sa forme originelle. Ahitaka part alors vers l'ouest selon la décision de l'assemblée du village, avec pour seul compagnon son brave élan rouge Yakkuru. Il devra alors découvrir la vérité sur la folie de Nago et soigner sa maladie, qui lui procure la force dévastatrice d'un Dieu, mais aussi, à court terme, la souffrance et la mort. Son périple le conduira finalement à rencontrer San, la princesse Mononoke, jeune fille élevée par la Deesse-louve Moro, et protectrice acharnée de la foret, mais aussi son ennemie jurée : Lady Eboshi, chef d'un village d'humains prêts à tout pour garder leur indépendance et survivre, quitte à exploiter et épuiser toutes les ressources naturelles. Intervient enfin la divinité sacrée, le Dieu-cerf, défenseur de la foret et garant de l'équilibre de la Nature, ayant le pouvoir de vie et de mort sur ses sujets. Sa tête, sensée conférer l'immortalité, est convoitée par Eboshi pour guérir la lèpre touchant les villageois, et par l'Empereur, pour des raisons beaucoup moins respectables.

 

Adagio Of Life And Death

 

Mononoke, oeuvre complexe, sincère et juste. Mononoke, ou quand le talent de mise en scène et la grandeur scénaristique d'Hayao Miyazaki, appuyés par l'excellence artistique du Studio Ghibli rencontrent le génie musical de Joe Hisaishi.

Sans aucun doute, le sixième film du maître possède -plus encore que les autres- des musiques d'une pureté, d'une beauté et d'une subtilité encore plus poussées que les autres compositions d'Hisaishi, auteur des bandes originales des longs métrages de Miyazaki(Nausicaä, Laputa, Totoro, Kiki, Porco Rosso, Mononoke Chihiro, Howl), de Kitano(A Scene At The Sea, Sonatine, Hana Bi, L'Eté De Kikujiro, Aniki, Dolls) et bien d'autres(Arion, Venus Wars, Quartet, Le Petit Poucet...). Epaulé par l'Orchestre Philharmonique de Tokyo, Hisaishi signe ici une bande originale totalement incontournable, décrivant avec majesté toute la grandeur de ce film.

D'un point de vue graphique, que dire? Très peu de films d'animation ont pu approcher une telle oeuvre d'art depuis 1997, où la perfection des mouvements n'a d'égal que le réalisme expressif des protagonistes.

 Je pense qu'il est inutile de revenir sur la puissance narrative et dramatique tout simplement hors du commun. Le scénario est d'une ampleur et d'une profondeur jamais vues dans un film d'animation, à tel point que l'on ne peut qu'adhérer au plaidoyer de Miyazaki en faveur de la Nature.

 Mais Mononoke, c'est aussi un véritable tour de force réunissant 300 animateurs, intervallistes et décorateurs pendant deux ans et demi, pour un résultat colossal de 2 heures 13 qui est et restera inégalé dans l'histoire du film d'animation.

 

Tolkien rencontre Kurosawa

 

Revenons maintenant sur cette citation d'une très grande justesse de la part du journaliste du Boston Globe.

 Personne n'ignore qui est John Ronald Reuel Tolkien, créateur de l'univers des Terres du Milieu et par là même de l'heroic fantasy. On peut observer, en effet, de nombreuses ressemblances entre Ashitaka et les héros de Tolkien, emplis d'abnégation et d'une volonté de justice sans commune mesure. Et de plus, l'onirisme de Mononoke n'est pas sans rappeler le monde du Seigneur Des Anneaux.

Mais la ressemblance la plus évidente est celle qui lie Kurosawa à Miyazaki. Outre l'amitié et la nationalité qui les rapprochaient, il y a indubitablement des points communs entre les films des deux maîtres du cinéma Nippon d'Après-guerres. Par exemple, l'univers médiéval Japonais révélé en Occident par Kurosawa ("La Forteresse Cachée" ou "Les Sept Samouraïs" en sont les exemples parfaits) est aussi celui restitué par Miyazaki dans son chef d'oeuvre. La formation des plans et la structure des films sont aussi sensiblement similaires. Enfin, certaines scènes, telle celle des lépreux, semblent directement tirées du génial "Barberousse".

 Mais Mononoke est loin de n'être qu'un croisement entre les oeuvres de deux grands hommes, il est avant tout la réalisation d'un maître incontesté du cinéma qui a su transmettre ses messages tout en rendant hommage aux pionniers.

 

Will To Live

 

L'émotion immense procurée par des scènes d'anthologie, la portée philosophique et religieuse, la reconstitution historique parfaite, la bande originale, l'atmosphère extraordinaire qui s'en dégage ainsi que la perfection technique et narrative, concourent à faire de cette épopée fantastique, à la fois guerrière, subtile et grandiose dans le Japon médiéval des croyances Shintoïstes, l'un des chefs d'oeuvre du cinéma Japonais et du cinéma d'animation mondial.

 

Studios Ghibli, merci, Joe Hisaishi, félicitations, Hayao Miyazaki, chapeau bas.


 

Ashitaka

 

Un héros masculin dans un film de Miyazaki. Qui l'aurait cru?

Ashitaka est un jeune homme tolérant, juste et désintéressé, qui doit devenir le chef de son village. Affublé par la rancoeur du Dieu-sanglier Nago qu'il a tué alors que celui ci s'apprêtait à détruire son village, le jeune homme est maudit jusqu'à sa mort prochaine par une marque noirâtre sur son bras droit, qui n'aura de cesse de se répandre. Son but ultime, avant même celui de sauver sa propre vie, sera de concilier les Dieux de la Nature et la civilisation humaine naissante, ici caractérisée par les forges de Lady Eboshi.

Habile, aussi bien à l'arc qu'à l'épée, possédant une force décuplée par la malédiction et monté sur son fidèle élan rouge Yakkuru, Ashitaka est en quelque sorte un négociateur capable de rétablir la tolérance entre les deux camps antagonistes. Il ne prendra donc pas parti, ni pour Eboshi, qu'il aidera à plusieurs reprises, ni pour San, sa bien-aimée, car son esprit de justice et de pacifisme le pousse à ne se préoccuper que du Bien commun.

 

San

 

Abandonnée dans les pattes de le Déesse-louve Moro quand elle était bébé par des parents voulant détruire la forêt, elle a depuis été éduquée par celle-ci comme sa propre fille.

Jeune femme défendant sans pitié le territoire où sa famille(Moro et ses deux "louveteaux") vit, la princesse des démons(Mononoke) a pour but de chasser les humains de la forêt. Armée de sa lance et aidée par ses deux impressionnants frères loups, elle tentera d'assassiner Lady Eboshi, chef des humains qui les opprime.

Incarnant toute la rage et l'obstination de survivre propres aux animaux traqués, son comportement se verra changer par l'apparition d'Ashitaka, qui lui apprendra à ressentir le côté humain de son coeur.

 

Lady Eboshi

 

Eboshi est la chef au grand coeur et à la grande ambition du village fortifié de Tatara, et ferait tout pour sauvegarder son peuple. Composée de forgeronnes produisant du fer grâce au minerai extrait par les hommes dans les collines, cette forteresse nécessite, comme tout village humain aspirant à la pérennité, de consommer du bois et donc de défricher une partie de la forêt pour accéder aux mines.

Voila pourquoi San et Moro lui vouent une haine sans limite. Mais celle-ci, accompagnée de son fidèle Gonzo et par sa redoutable garde d'arquebusiers (l'arquebuse est la première arme à feu, et est à l'époque fraîchement introduite au Japon par les Chinois), désire aussi acquérir la tête du Dieu-cerf, sensée guérir toutes les maladies, et donc la lèpre touchant les villageois.

Les relations qu'elle entretient avec Ashitaka sont très ambiguës, partagées entre l'envie de le voir devenir un allié et celle de l'éliminer pour l'empêcher de se mettre en travers de son chemin vers l'indépendance et le pouvoir. Elle n'est donc pas une "méchante" si l'on peut dire, mais plutôt un personnage fort et entier, défendant ses convictions et les siens avec ferveur, tout comme Moro et San. D'ailleurs, le fait que ces trois personnages soient féminins n'est pas une coïncidence, prouvant bien que pour Miyazaki, la femme est un idéal de fermeté et de conviction difficilement atteignable par l'homme.

 

Bien entendu, il existe une pléthore de personnages secondaires, mais je vous conseille pour ceux qui ne l'ont pas encore vu, de tout simplement faire l'effort de vous investir dans cette oeuvre.

Publié dans Critique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Merci! Mais la fin, ca se fait pas et je ne pourrais pas la suggerer sans la dévoiler malheureusement :/
Répondre
S
Quelle élégance...<br /> Oh messire Alex, raconte-nous la fin de ta plume éclairée...sans pour autant dévoiler l'issue de ce chef d'oeuvre (pour les non-initiés).
Répondre